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Sain-Gervais, Genève

Écouter le culte

La rencontre de Siméon le vieillard avec Jésus le nouveau-né, c'est l’accomplissement d’une vie rendu possible par l’espérance d’un renouveau. Siméon peut s’en aller dans un sourire de Dieu.

Prédication

Référence(s)
Esaïe
Chapitre
52
Versets
7
à
10
1 Jean
Chapitre
1
Versets
1
à
4
Luc
Chapitre
2
Versets
22
à
32

Mes chers petits-enfants,

J’ai bien reçu vos messages envoyés par pigeon voyageur  qui ont comme à chaque fois   retenu toute mon attention, surtout que, vous le savez,  vous êtes l’objet de toute mon affection depuis votre plus tendre enfance.  Vous le verrez plus tard si Dieu vous prête vie comme à moi de nombreuses années, on devient parfois plus émotif et vulnérable avec l’âge, et sensible aux revendications des jeunes générations.

Vous me dites que le temple que je fréquente  est un lieu has-been, patriarcal, théâtre de pratiques qui ne devraient plus avoir lieu à l’ère de la modernité actuelle. Non, me dites-vous, le sang de la femme, qu’il résulte des menstruations ou d’un accouchement, n’est pas plus impur que  que le sang de l’homme. Ce n’est pas parce que le sans menstruel distingue notamment le cycle de la femme de celui de l’homme qu’il ne serait pas agréé par Dieu qui a créé les Cieux, la Terre et tout ce qu’ils contiennent en concluant d’ailleurs au terme de chaque jour : et il vit que cela était bon. Pire encore, me dites-vous, qu’on arrête en ce temple de s’en prendre à des animaux qui n’ont rien demandé et qui ne souhaitent que de vivre en paix avec l’humanité. Tout ce trafic d’animaux, que l’on vend à l’entrée du temple comme s’il s’agissait d’objets dépourvus de sensibilité, de capacité de souffrance, pour que les croyants puissent se refaire une virginité à bon compte en les faisant  exécuter comme dans un régime concentrationnaire, est-ce vraiment cela grand-père, me dites-vous,  la volonté de Dieu ?

Mes chers petit-enfants, vous le savez, le temple est pour moi un lieu important, bien que je ne sois pas prêtre. Depuis tout petit je m’y suis rendu, d’abord avec mes parents, puis avec mon épouse, votre grand-maman aujourd’hui disparue, enfin j’ai tenté d’inculquer avec plus ou moins de réussite à mes propres enfants, vos parents, le respect des rites, de nos traditions, de faire mémoire de ceux qui nous ont précédés et dont nous descendons. Ce n’est pas que je sois d’accord avec tout ce qui se dit au temple, avec tous les enseignements, les rites, mais je crois que la religion véhicule quelque chose de notre identité profonde, et témoigne d’un lieu immémoriel entre Dieu et le peuple qu’il s’est choisi, à moins que ce ne soit l’inverse.

Il y a, je vous le concède,  de tout parmi mes coreligionnaires : des esprits curieux et avides de savoir qui s’étonnent et s’émerveillent de la diversité de la Création, qui voient dans les différences entre les peuples humains non pas une hiérarchisation des races mais l’expression d’une complémentarité, qui n’oublient pas que nous avons été étrangers, réduits à l’esclavage, et que nous sommes appelés non pas à nous venger mais à traiter l’étranger avec humanité. Il y a aussi des esprits va-t-en guerre,  extrémistes, qui font l’amalgame entre le politique et le religieux, qui veulent unir dans les mains d’un petit nombre l’autorité fondée sur un dieu guerrier et le pouvoir militaire et civil. Ceux-là, je dois vous le dire, m’inquiètent de plus en plus,  ls se réclament d’un zèle de la Loi, il se font les défenseurs violents d’un monde qui serait assiégé, menacé, par une invasion migratoire qui finirait par nous remplacer. Je ne serai sans doute plus là, mais je crains que le temple que je fréquente, ne soit finalement menacé dans son existence à force de désigner ceux qui nous gouvernent comme la cause de tous nos mots. Ce temple, comme tout lieu d’activité humaine, n’est pas parfait. Il est le témoin d’un passé dont nous ne comprenons pas toujours le sens aujourd’hui. Mais il est aussi le lieu qui conserve la mémoire, qui aide à éclairer notre présent, et donc notre avenir, contre l’obscurantisme du fanatisme et de la dictature.

Alors voilà, mes chers petits-enfants, à l’heure de conclure cette missive écrite par le biais d’une  plume d’oie, je vous invité à passer d’une critique certes légitime d’un monde qui vous entoure et vous précède, dans ses bons et ses mauvais côtés, à une introspection où vous apprenez à discerner en vous des contradictions qui nous constituent tous, parce que nous sommes humains et donc imparfaits. Puissiez-vous prendre en considération ce que le monde rejette, tendre la main à ceux qui sont isolés, à suspendre le jugement face à la détresse et la souffrance, et surtout, surtout, à ne jamais désespérez de vous-mêmes comme du monde qui vous entourent, comme Dieu lui-même ne désespère pas de sa Création, même s’il doit bien se rendre compte que tout ne tourne pas toujours très rond. A la violence de la haine et des armes répond la vulnérabilité d’un enfant, signe d’un Dieu qui, parce qu’il n’a su se faire connaître, aura fini par se faire naître.

Votre grand-père Siméon.