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© EPG, Temple de Malagnou
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© EPG, Temple de Malagnou

Prédication

Référence(s)
Luc
Chapitre
1
Versets
26
à
38
Philippiens
Chapitre
2
Versets
5
à
11

Face à la marche du monde qui nous inquiète, à l’écoute des nouvelles qui sont souvent anxiogènes, qu’aurions-nous besoin d’entendre ? Quelle Bonne Nouvelle avons-nous envie de recevoir en cette période de fête qui arrive ? Spontanément comme chrétiens, nous aurions tendance à répondre que Dieu vienne mettre de l’ordre ici-bas, qu’il fasse entendre raison à tous ces dirigeants qui semblent davantage préoccupés par leur soif de pouvoir et conduits par l’orgueil que par le souci des plus faibles.

Mais voilà, on le sait bien : les choses ne se passent pas comme ça. On a même parfois l’impression que Dieu s’est éloigné, qu’il n’est pas très utile, pire qu’il ne peut ou ne veut répondre à nos besoins immédiats et cela nous questionne, nous inquiète. Et ce n’est pas une très bonne nouvelle ! à moins que … à moins que nous soyons prêts à nous laisser surprendre, décontenancer par ce Dieu de la Bible qui est un Dieu qui décidément fait tout à l’envers. Et finalement, ça, c’est peut-être une bonne nouvelle ! Et s’il y en a une qui a dû être surprise, qui a vu sa vie complétement chamboulée, c’est bien Marie, car franchement avec elle, là encore Dieu a fait tout à l’envers ou en tout cas pas comme on aurait pu s’y attendre, selon les règles. Alors que Marie se destine à une vie ordinaire de jeune fille promise en mariage, voilà que l’Eternel vient mettre sa vie sans dessus-dessous. Rien ne prédestine Marie, ni son origine, ni son statut et encore moins son âge à devenir un personnage clef de l’histoire du salut. Marie, et c’est en cela qu’elle est exemplaire, accepte de se laisser déranger et de voir sa vie ainsi prendre une destinée totalement inattendue. Joseph, lui aussi accepte de voir sa vie transformée et pas seulement dans sa dimension intime ou spirituelle mais dans sa réalité très concrète également.

Comment tout cela s’est-il passé ? Ces visites de l’ange, cette conception étonnante, cette naissance ? Je n’en sais rien et très honnêtement, je m’en fiche un peu. Il est évident que ces récits de Noël sont empreints de beaucoup de poésie, d’imaginaire. Calvin lui-même mettait en garde en garde son auditoire qu’il serait bien naïf de croire que Jésus est né un 25 décembre entre un âne et un bœuf. Car là n’est vraiment pas l’important. Ce qui l’est, c’est ce que ce que Dieu essaie de nous dire à travers cette histoire. Et qu’est-ce qu’il veut nous dire ? Et bien qu’il vient !! Qu’il ne cesse de venir à notre rencontre. Mais pas n’importe comment et certainement pas comme on l’espère ni où on l’attend ! Et c’est précisément ce qui est important, nouveau, révolutionnaire avec la venue de Jésus et qui bouleverse profondément la relation entre le Divin et notre humanité. Que les dieux descendent sur terre, rien de très original à cela. On trouve dans la mythologie classique de nombreux exemples de visites de dieux sur terre ; le plus souvent pour s’amuser et surtout pour profiter aux dépens des humains de leur toute-puissance. Pour eux, venir sur terre, c’est un peu comme faire du tourisme. Comme nous, lorsque nous nous retrouvons dans un monde lointain et très différent du nôtre (mais sans perdre ni nos moyens financiers, ni notre assurance santé pour pouvoir le cas échéant être rapidement rapatrié dans « notre monde »). A Noël, Dieu ne vient pas faire du tourisme sur terre ; il vient habiter notre monde et mieux encore il vient y naitre, partageant l’expérience que nous avons tous faite, à savoir passer neuf mois dans le ventre de notre mère et cela change tout ! Un Dieu qui est petit, un petit qui est Dieu ! Voilà le cœur de ce message étonnant et dérangeant. Décidemment il fait tout à l’envers ! Ce serait en effet tellement plus simple et plus logique si Dieu pouvait répondre à nos attentes, se comporter comme on l’attend de Lui, comme un Dieu fort, grand, puissant qui règle toute chose à sa guise et vient mettre de l’ordre ici-bas. Mais voilà ce n’est pas le cas ! Mauvais nouvelle ou bonne nouvelle ? A nous de choisir ! Ce qui est sûr c’est que Dieu renonce à sa toute-puissance. Il y a à Noël une forme de renoncement de Dieu. Dieu disparaît, Dieu meurt à l’image qu’on se fait naturellement de lui pour venir à notre rencontre de manière renouvelée, surprenante, décalée, comme il l’a fait avec Marie, comme il l’a fait dans la nuit de ce premier Noël qui n’a pas fait la une des journaux télévisés de l’époque, ni même un entrefilet dans la gazette locale. Dieu vient en toute discrétion. Nous qui réclamons à corps et à cris sa présence et son aide ici-bas, nous qui l’accusons si souvent d’être indifférent à la marche du monde, il vient, il est bien plus proche qu’on ose l’imaginer, il est là le Seigneur que nous appelions de nos vœux, mais il vient de manière complètement décalée.

Nous vivons aujourd’hui dans un monde étrange et nous sommes tiraillés entre d’un côté une forme d’indifférence grandissante à l’égard de Dieu. Dieu a de moins en de place dans notre société ; on se débrouille très bien sans lui, semble penser la majorité de la population et de l’autre des courants religieux qui veulent s’accaparer Dieu et prétendre pouvoir parler en son nom pour imposer à tous leurs vues. C’est peut-être précisément pour ne pas risquer de se faire récupérer que Dieu ne correspond jamais à nos attentes et qu’il fait tout à l’envers. Dans cette espérance rappelée à Noël que Dieu vient nous rejoindre, que Dieu n’est pas un Dieu lointain ou indifférent, mais qu’il est bien cet Emmanuel « Dieu avec nous », il peut y avoir le pire comme le meilleur. Le pire quand on veut posséder Dieu, l’avoir avec nous contre les autres, Dieu comme notre protection, la justification de tous nos actes et l’on voit les dérives parfois violentes que cela entraine. Mais dans cette espérance, il y a aussi le meilleur quand on découvre cette discrète présence aimante de Dieu à nos côtés. Un Dieu qui, comme il est venu déranger Marie, vient nous rejoindre au creux de notre vie. Dieu en venant sur terre dans la figure du Christ nouveau-né veut nous faire prendre conscience que sa présence n’est pas d’abord là pour répondre à nos attentes, pour nous servir, servir nos intérêts immédiats. Il ne vient pas à notre rencontre comme un grand magicien, ni comme l’IA à qui l’on peut tout demander, car elle a réponse à tout…Dans la figure du nouveau-né, l’Eternel abandonne au ciel sa toute-puissance. Il prend le risque de devenir « inutile » à nos yeux ! Si vous me permettez cette phrase un peu « rude » : quoi de plus inutile qu’un nouveau-né ? Inutile au sens productiviste si cher à notre société, où il faut être rentable, productif. Dieu, comme ce nouveau-né, devient inutile. Il n’est pas là pour être à notre service, comme n’importe quel larbin que l’on peut appeler quand cela nous chante. Inutile, certes, mais ô combien précieux, car comme tout nouveau-né il est riche de promesse, porteur d’avenir, d’espérance et d’amour. Heureusement que Dieu fait tout à l’envers, car s’il correspondait à ce qu’on attend de lui, alors il devrait ressembler à tous ces hommes qui se prennent pour des dieux, violents, impitoyables et qui utilisent leurs forces à leurs fins. Je ne crains pas un Dieu qui se fait humain, un Dieu fragile, petit, vulnérable comme un enfant. Je crains bien plus l’homme qui se fait Dieu. Car ce Dieu qui se fait homme, ce Dieu de l’Evangile qui ne cesse de nous surprendre, il est plein de tendresse et de miséricorde. Et ça c’est vraiment une Bonne Nouvelle !

Non Dieu n’est pas et ne sera jamais ce Dieu qu’on s’invente pour se rassurer, cette idole qu’on appelle au secours pour qu’il vienne répondre à toutes nos attentes, à tous nos caprices… Dieu n’est pas ce Dieu qu’on peut utiliser à notre guise ! Mais ce Dieu qui demeure mystérieux, ce Dieu sur lequel on ne peut jamais mettre la main n’en est pas pour autant un Dieu distant ou indifférent. Il n’est pas resté enfermé dans sa majesté solitaire. Il se fait proche, car il est follement épris de l’humain, de chacune et chacun d’entre nous.

Puisse ce temps de l’Avent nous aider non pas à trouver les preuves de l’existence de Dieu, c’est absurde, mais à discerner les délicates et discrètes traces de sa présence ; alors nous pourrons affronter les défis du temps présent avec l’assurance et la confiance de ne pas être laissés seuls, mais au contraire soutenus, portés par la tendresse de ce Dieu d’amour. Non seulement, cela peut nous offrir force et espérance, mais en éclairant notre vie de sa présence, le Seigneur nous invite à devenir à notre tour des porteurs de lumière et d’espérance, les témoins d’une Bonne Nouvelle !