
Etre sauvé, être guéri, avoir trouvé un médicament ?!
Eh non, cher Jean Charles, je ne partage pas tout à fait votre opinion… Pour une question de formulation peut-être ! En effet, je n’aime pas parler de maladie quand il est question de péché. C’est un mélange de concepts qui peut s’avérer dangereux. Ce que nous mettons sous le mot maladie est bien éloigné de ce que l’univers biblique pouvait imaginer en son temps. Aujourd’hui, la maladie est un dysfonctionnement que nous espérons pouvoir contrôler voire éliminer par l’utilisation de remèdes ou de thérapies adéquates.
Dans la bible, la maladie était considérée comme le résultat de forces ou d’éléments négatifs provenant du Mal. En ce sens, Jésus, par exemple, savait comment combattre les esprits impurs mais il faisait toujours la différence entre les maladies dont souffraient les personnes et les personnes elles-mêmes. Il refusait la perception populaire qui voyaient en beaucoup de maladies le signe d’un état de péché.
Le péché, dans le monde biblique, marque l’éloignement d’avec Dieu bien plus que la pratique de comportements précis. Lorsque la Bible énumère des listes de comportements, il faut comprendre qu’il s’agit de défauts connus et admis (des sortes de clichés) qui disent la distance et ne sont cette distance elle-même. Ce n’est qu’une lecture moralisante (ou légaliste*) qui va plaquer le comportement d’un individu avec sa personnalité soit disante pécheresse. C’est ainsi que, au temps de Jésus par exemple, tous les bergers ne pouvaient être que des pécheurs parce qu’ils ne pratiquaient pas le Sabbat… Comme tous les tanneurs, parce qu’ils sentaient mauvais… Tout à fait comme, il n’y a pas si longtemps de cela, tous les objecteurs du service militaire étaient forcément des fainéants, des lâches et des profiteurs !
Votre formulation pourrait être à l’origine d’une théologie fort étrange : si le salut était la guérison du péché naturel d’homme, Dieu – qui nous a créé à son image – nous aurait alors, en quelque sorte, inoculé une maladie pour nous proposer, après coup, un remède ? Et en plus, il nous aurait encore créé de telle manière que nous aurions tendance à refuser l’antidote ? Ce n’est-il pas un peu tordu tout cela ?
Je suis sûr que vous ne voulez absolument pas dire cela !
Cependant, nous vivons à une époque où tout est considéré comme un problème qui doit être résolu. Alors il est quasiment normal de considérer le péché comme un problème à résoudre et, en fin de compte, les humains eux-mêmes représentent le problème ! Dieu ne nous traite justement pas comme un problème ! Au contraire, il ferait plutôt confiance en chacun de nous et en nos capacités intérieures pour résoudre les problèmes que nous rencontrons dans la vie.
Pour conclure, voici une prière que je trouve fort pertinente :
« Il y a tant de choses qui ne sont pas des fautes, mais simplement des difficultés, des noeuds, des vagues, dans lesquelles nous nous sentons emportés et où nous perdons pied, jusqu’à nous noyer, sans trop savoir pourquoi. Il y a tant de choses qui arrivent, sans que nous l’ayons cherché, ni voulu, ni compris. Nous te prions pour tout ce qui n’est pas une faute et qui est pourtant devenu une détresse et une culpabilité.
Tu ne nous demandes pas de nous repentir pour cela. Tu n’es pas l’un de ces affreux dieux qui aime la femme et l’homme fautifs pour pouvoir les sauver !
Même si ce ne sont pas des fautes, tu sais bien que nos vies sont pleines de ces choses, qu’il faut payer trop cher. Nous t’en prions, viens alléger et fortifier nos vies et la vie du monde entier. Viens alléger la conscience qui s’agite en sa nuit, le souvenir qui remonte comme une bulle. Aide-nous à alléger les autres par la bienveillance d’un sourire et par la confiance qu’on leur donne même si une erreur avait été commise !
Il y a tant de choses qui ne sont pas des fautes, pour lesquelles il ne faut ni repentance, ni conversion, ni pardon. Mais tout simplement la légèreté et la force de ton amour sans limite. Amen » (D’après A. Dumas, Cent prières possibles)
Cordialement, Pierre Dürrenmatt
*) Légalisme = toute la réalité est contenue dans l’énoncé de lois et de règles qu’il s’agit de suivre scrupuleusement.

