
C’est au temple de Jussy, au cœur de la campagne genevoise, dans une région principalement viticole et agricole, que sera célébré le culte du matin de Noël.
La communauté protestante de Jussy et des villages environnants nous accueille et nous invite à redécouvrir les trésors de liberté dont Dieu fait cadeau. Trésors de tendresse, d’amour inconditionnel et de réconciliation universelle qui s’incarnent dans la naissance de l’enfant Jésus et qui sont autant de chemins de liberté à explorer ensemble.
Culte diffusé en Eurovision sur RTS 1 et à la radio sur RTS Espace 2.
Prédication
Les anges annoncent la naissance d’un Sauveur, du Christ, du Seigneur. Et c’est un simple enfant qui vient au monde . Existe-t-il plus vulnérable, plus fragile, plus dépendant qu’un nouveau-né ? Sans nos bras pour le porter avec tendresse et consoler ses pleurs, sans la douceur de nos soins, sans notre constante bienveillance, sa vie semble bien compromise, non ? Cela voudrait-il dire que Dieu se manifeste d’abord dans l’expérience de la tendresse ? De la douceur ? De la consolation ? Probablement.
Et plus encore… Avec l’enfant Jésus, il semble bien que Dieu se rend aussi présent dans nos propres vulnérabilités, dans nos propres fragilités. Quand nous nous sentons faibles, fragilisés, vulnérables, à cause d’un échec, d’un conflit profond, d’une maladie, ou d’un deuil, ne sommes-nous pas un peu comme une feuille de papier tout en boule. Impossible d’y écrire quoi que ce soit dessus, impossible d’y imprimer la nouvelle étape de notre vie. C’est là que la douceur, la tendresse de Dieu vient défroisser et lisser les plis de nos existences, pour nous permettre d’ouvrir à nouveau l’histoire de nos jours et de nos nuits. Certes, les marques restent, mais nous pouvons écrire le sens de notre vie. Oui, Dieu nous accompagne. Il entoure toutes nos fragilités. Il les porte, avec la force de sa tendresse, dans sa profonde douceur. Écoute, il nous le chuchote au creux de l’oreille lors des soirs d’orage : « tu es mon enfant, ne crains point, crois seulement. Je suis avec toi ». Et plus encore… Les anges annoncent que le Dieu fait homme, Jésus le nouveau-né est emmailloté. Marie lui a donné les soins nécessaires. Il dort, couché, en sécurité, dans une crèche. Avec ces simples remarques dans l’évangile selon Luc, un enfant, emmailloté, une crèche, Dieu nous enseigne ainsi comment nous pouvons lui rendre témoignage dans notre vie. En prenant soin à notre tour, avec douceur, avec tendresse de celles et de ceux qui sont vulnérables, en précarité, en situation de fragilité. Rendre un témoigne fidèle au Dieu de Jésus-Christ, c’est d’abord accueillir et accompagner celles et ceux qui ont besoin des autres pour entrer dans un chemin de croissance. C’est ce que je retrouve avec reconnaissance chez tant de frères et sœurs en Christ ou en humanité, qui s’investissent sans compter auprès d’œuvres sociales ou paroissiales, en toute discrétion, en pleine efficacité, comme au sein d’associations d’entraide, l’EPER, Terre Nouvelle, la Cimade, Portes Ouvertes, l’Acat, Amnesty international ou encore les restos du cœur. Bravo à vous ! Cette éthique de la responsabilité, ancrée dans vos convictions, est essentielle pour le présent et le futur de notre monde. Il nous est demandé d’assumer l’humanité, avec et malgré ses terribles travers.
Dieu n’a pas d’autres yeux, d’autres bouches, d’autres oreilles, d’autres mains que les nôtres pour agir dans le monde. En prenant en charge un peu de la vulnérabilité présente dans notre Création, vous vivez pleinement votre vocation de chrétien. Certes, il est évident que vous ne cherchez pas à gagner des bons points ou la gommette étoile de la meilleure personne sur terre ou du chrétien le plus top, en vous engageant auprès du monde pour le Christ ! Et encore moins à gagner une pseudo-place au Paradis ! Vous cherchez juste à vivre en adéquation avec vos convictions, avec votre foi, alignés cœur-âme -esprit. Le réformateur Martin Luther a ainsi écrit au 16eme siècle : « personne ne goûtera la divinité, sinon contemplée dans l’humanité du Christ… » Oui, en prenant soin du monde du vivant, de toute l’humanité, vous goûtez à la divinité. Vous devenez des anges, des messagers divins porteurs d’espérance au creux du monde. Puisque le mot ange en grec veut dire messager. Merci d’exister, chers anges, chers messagers ! Cet engagement au creux de notre humanité, de notre Création, le pasteur Wilfried Monod l’a très bien expliqué dans un ouvrage de 1934, intitulé le « problème du bien ». Voici le problème ! Alors que c’est tellement facile de faire souffrir, nous avons quand même, nous les êtres humains, une belle obstination à agir pour le bien. Le bien est ainsi « résistible » au Mal. Il résiste au mal. Malgré tout ! Par exemple, dans sa paroisse de l’Oratoire du Louvre à Paris, Wilfried Monod faisait livrer des repas gratuits aux pauvres du quartier des halles quand il y avait le culte avec la Sainte cène le dimanche matin. Il expliquait qu’un chrétien doit toujours tenir les deux bouts d’une même chaîne de la foi : la vie spirituelle et l’engagement social auprès du prochain dans le besoin, dans la précarité, dans la vulnérabilité. Voilà ce que nous rappelle, à quoi nous exhorte, l’enfant Jésus annoncé par les anges.
Après les anges, les bergers ! Cette annonce de la naissance du Sauveur, du Messie, du Christ, se fait en premier à des bergers. Nous savons qu’à l’époque de Jésus, les bergers étaient considérés comme des impurs. Ils étaient les exclus de la société, les discriminés car ils ne pouvaient pas faire leurs ablutions rituelles, ni les sacrifices au temple. Sans compter qu’ils dormaient près des bêtes, ce qui renforçait leur statut officiel d’impurs ! Pourtant, ils sont mignons ces moutons, non ? Oui, ce sont bien des bergers, les exclus, les marginaux d’hier qui sont les premiers au bénéfice de cette annonce incroyable de la naissance du Messie, du roi des rois, du Sauveur ! Avec Jésus, il n’y a plus d’impurs d’un côté et de purs de l’autre côté, de « bien comme il faut » et de « pas bien comme il faut », de castes ou de murs de préjugés. En Jésus, chaque humain est accueilli gratuitement, tel qu’il est, rendu digne, non pas à cause d’un mérite particulier mais juste parce qu’il est enfant de Dieu. C’est ce que nous nommons la grâce de Dieu, son amour gratuit offert à chacun de nous. La grâce qui nous redit la transcendance, cet amour de Dieu dont les bras sont ouverts à l’infini de notre humanité. Alors, suite à cette annonce merveilleuse, les bergers se lèvent, ils sont mis en mouvement, ils prennent la direction de la crèche… Si toi aussi, tu cherches Dieu, tu doutes de son existence, de son impact dans le monde, de son amour pour toi, écoute ce que dit encore Martin Luther : « si tu cherches Dieu, va d’abord à Bethléem, Dieu se met à ta portée. Dieu ne se cache pas au ciel. Contemple l’enfant Jésus à Bethléem, demain tu pourras le suivre, le recevoir et faire de lui ton ami le plus cher ». Oui, mon ami.e, suis les bergers à Bethléem. Ils témoignent que nous sommes tous inscrits dans la grande danse joyeuse de l’humanité voulue par Dieu. Nous y avons tous notre place. Grand, petit, pauvre, riche, bien portant, estropié de la vie…tu peux toi aussi adorer l’enfant de Bethléem, né dans une étable, lieu impur par excellence car rempli d’animaux !
Dieu ne discrimine pas. Dieu est inclusif.
Dieu a besoin de chacun, de chacune d’entre nous. Et ça c’est formidable, non ? Il a besoin de toi, même si tu te ressens comme différent, pas au top, en manque d’estime de toi ou en perte de confiance. Alors, arrête de te comparer aux autres. Pas la peine de regarder si ton voisin de droite ou de gauche a ça de mieux que toi ou s’il fait un truc tellement plus pertinent que toi. Laisse tomber la pression des réseaux sociaux ! C’est toi avec ce que tu as de beau, de bon, d’irréductible à ta personne dont Dieu a besoin pour cette danse de la réconciliation joyeuse de l’humanité. Nous avons chacune, chacun en nous un diamant, un trésor de bienveillance, de bonté, de courage, de résilience ou de tendre force que Dieu nous demande de mettre à son service. Même, si c’est un petit diamant, un mini trésor, cela n’a aucune importance. Le peu peut parfois suffire. Regardez comme plein de petits diamants mis ensemble brillent et portent la lumière ! Nous ne sommes pas avec le Dieu de Jésus-Christ dans la recherche de performances mais bien dans la quête du partage. Oui, deviens, redeviens toi aussi un berger en mouvement vers la crèche, un porteur de lumière, de tolérance, de réconciliation et d’espérance ! Brille ! Et ta vocation de berger n’est pas à vivre qu’une seule fois dans l’année, juste à Noël ! Comme l’écrit le réformateur Jean Calvin alors à Genève sur le culte du 25 décembre : Ce qui compte, ce n’est pas un jour particulier, mais la proclamation continue du Christ incarné. Ta vocation de berger, c’est toute l’année donc ! Ainsi, Noël, ce n’est pas n’est pas d’abord une fête, comme l’exprime le théologien Karl Barth, c’est un fait ! Un fait sur lequel nous avons à bien ouvrir les yeux et le cœur ! Un fait qui transforme et ouvre à un monde plus juste. Noël, c’est bien un événement avant une date ou une fête de famille. C’est un événement qui est toujours un commencement. Que tu peux recevoir comme un nouveau commencement dans ta vie. « Nous avons à choisir s’il doit être pour nous le commencement » approfondit Bultmann, un autre théologien contemporain.
Alors, peu importe que Jésus soit né un 25 décembre ou pas, peu importe que Noël soit une fête mise en place au 3eme siècle après JC pour remplacer la fête païenne romaine des saturnales, peu importe que ce soit à Bethléem ou à un autre endroit que Marie accouche. Ce qui importe, c’est que nous restions en mouvement ! En commençant dès aujourd’hui ! En chemin vers Dieu, vers les autres, et même vers la plus belle version de nous-mêmes bénie en Christ ! Gardons confiance dans nos ressources du bon ! Certes, le mal existe, les horreurs et les divisions sont inhérentes à notre monde, mais il y a aussi tout ce qui réouvre les promesses écrasées, ce qui fait que le monde n’est pas fini, que du nouveau peut toujours advenir. C’est ce qu’incarne l’enfant Jésus. Alors, vivons en enfants de lumière !
C’est exactement ce qu’ont fait les mages. Ils ont choisi la lumière. Ils ont choisi la vie. Après avoir contemplé l’enfant Jésus, ils ont refusé de suivre le plan destructeur du roi Hérode. Ils ont choisi un autre chemin pour rentrer chez eux. Avec les mages, l’amour de Dieu est ainsi non seulement inconditionnel mais aussi universel, rassemblant l’est et l’orient, le nord et le sud dans une même famille de bienfaisants. Pour vivre d’abord la joie ! Car c’est ce que ressentent ces mages devant la crèche, de la joie. Et plus encore une grande joie ! Et pour signifier cela, ils lui offrent des trésors. Premier trésor : Un trésor d’or pour exprimer combien les biens matériels, s’ils sont importants pour vivre, ont pour première et ultime fonction de porter la croissance de l’amour révélé en Jésus- Christ, la croissance du partage, la croissance de la paix. Deuxième trésor : Un trésor d’encens. L’encens servait à tous les rituels religieux pour louer Dieu. (Allumer encens) Cet encens nous rappelle que la louange à Dieu doit guider notre vie. Chaque matin, à chaque réveil, nous sommes invités d’abord à nous ancrer dans la gratitude, à dire merci au Seigneur. Merci pour sa présence au fil de notre journée, malgré les épreuves qui jalonneront ses heures. Oui, Dieu nous accompagne chaque instant. Si nous pleurons, Dieu pleure avec nous. Si nous sourions, Dieu rit avec nous. Il tient dans ses mains nos cris de douleurs comme nos rires les plus profonds. Et enfin, troisième trésor : Nos mages offrent un trésor de myrrhe. La myrrhe est une huile parfumée qui servait pour embaumer les corps des défunts. Cela nous rappelle qu’en Jésus-Christ, la mort n’a pas le dernier mot. C’est l’espérance de la résurrection, qui a le dernier mot. Nous sommes à la fois êtres terrestres et êtres célestes, êtres physiques et êtres spirituels. Et notre part divine est éternelle. L’amour est éternel dit l’apôtre Paul. Tout ce qui relève ainsi de l’amour dans nos existences est éternel et participation à la vie du Christ.
Quels trésors de liberté nous recevons donc à Noël !
Nous sommes libres de tout recommencer, de casser les chaînes de la fatalité et des divisions. Nous sommes libres d’oser, d’inventer, d’aimer dans le nom de Jésus-Christ, l’Emmanuel, Dieu avec nous. Dieu pour nous ! Amen

