Les anabaptistes : 500 ans de présence dans la région
Il y a cinq cents ans, en janvier 1525, à Zurich, un petit groupe d’anciens compagnons du réformateur Ulrich Zwingli pratiquait un acte symbolique: le baptême d’un adulte confessant sa foi. Ce geste fondateur marquait la naissance du mouvement anabaptiste suisse. Refusant le baptême des nourrissons, les anabaptistes revendiquent une Église fondée sur l’engagement personnel. Rapidement considérés comme des fauteurs de trouble par les autorités tant protestantes que catholiques, ils furent pourchassés, emprisonnés, exécutés. Cette page d’histoire revient aujourd’hui au coeur de l’actualité. À l’occasion des 500 ans de la Réforme radicale – mouvement réformateur composé de nombreux courants protestants hétérogènes qui se sont développés en marge de la Réforme protestante luthérienne et calviniste –, une série d’événements propose de redécouvrir l’empreinte laissée par les anabaptistes dans le Jura et le Jura bernois. «C’est une histoire encore largement méconnue», regrette Nicolas Gerber, vice-président de la Fondation Héritage anabaptiste (FHA).
Jugés radicaux
Inspirés d’abord par des figures comme Thomas Müntzer et Andreas Karlstadt, les anabaptistes rompent progressivement avec les positions de Luther et Zwingli. Leur radicalité ne tient pas tant à des innovations théologiques qu’à leur exigence de cohérence entre foi et vie quotidienne. Ils prônent la séparation totale entre Église et pouvoir civil, la liberté religieuse… Des idées alors subversives.
Trois grands courants émergent en Europe: les frères suisses (actifs en Suisse, Alsace et au sud de l’Allemagne), les huttériens (installés en Moravie dans des communautés de biens) et les mennonites, du nom du prêtre néerlandais Menno Simons, qui opte dès 1536 pour un pacifisme strict. C’est à ce courant que se rattachent aujourd’hui la majorité des anabaptistes suisses.
Dès le XVIe siècle, fuyant la répression, les anabaptistes trouvent refuge dans des régions rurales et isolées. Dans le Jura bernois, ils sont accueillis avec circonspection par le prince-évêque de Bâle, qui tolère leur présence à condition qu’ils ne cherchent pas à convertir. Ces communautés agricoles mettent en valeur des terres ingrates et participent activement au développement régional. «Ils avaient une éthique du travail très forte, typiquement protestante», souligne Nicolas Gerber. On leur doit notamment la fabrication traditionnelle de la tête de moine, emblématique de Bellelay.
Engagés pour la paix
Ce qui les distingue depuis cinq siècles, c’est leur engagement pour la paix. Héritiers spirituels des premiers martyrs, les mennonites refusent la violence, y compris celle de l’État. Encore aujourd’hui, beaucoup d’entre eux rejettent le service militaire et s’impliquent dans des projets de médiation, notamment dans les zones de conflit. «La non-violence est un fondement de notre engagement», rappelle Nicolas Gerber. À ses yeux, mieux connaître cette histoire permet aussi de mieux comprendre les persécutions que subissent d’autres croyants ou minorités aujourd’hui. Une manière de relier l’histoire locale aux enjeux globaux.
Forte d’environ 2500 membres, la communauté mennonite suisse reste active, notamment dans l’Arc jurassien, la région bernoise et la Suisse alémanique. Tramelan en constitue le lieu d’ancrage central. Engagés dans le dialogue interreligieux et oecuménique, les mennonites suisses s’inscrivent dans une dynamique d’ouverture et de vivre-ensemble.
Information
Le programme des festivités estdisponible sur www.fha-ste.ch.