
Parler de la paix à Noël, un sujet bateau! Mais une réalité ô combien importante à recevoir, à intégrer et à partager. Car en Jésus, la paix, ce n'est pas juste une absence de guerre ou de conflit, mais c'est une présence qui nous rejoint.
Et autour de nous, où est-ce que cette paix pourrait prendre forme, se développer?
Cette célébration œcuménique est préparée en commun par la paroisse réformée de Meyrin, la paroisse catholique de la Visitation et l'Eglise évangélique de Meyrin.
Prédication
Et si nous partions en croisière sur un grand bateau? Un bateau appelé « la Paix ».
Car en effet, parler de la paix à Noël, c’est vraiment un sujet bateau… C’est même un paquebot, tellement c’est gros.
Mais sur tous les paquebots, il y a de petits canots de sauvetage, ces barques si importantes, voire indispensables. Alors je vous propose ce soir de voguer sur quelques-unes de ces barques que je vais appeler des chaloupes.
La première chaloupe, c'est la chaloupe du Shalom
Shalom, ce mot hébreu qui signifie la "paix" et qui est aussi utilisé pour se dire bonjour, comme "Salam" en arabe. Et bien il ne signifie pas seulement l’absence de guerre ou de conflit. Il a un sens bien plus large que ce que nous avons en français.
Au sens premier, « shalom » désigne d’abord ce qui est complet ou ce qui n’est pas brisé. Il évoque donc une forme de plénitude.
Il décrit aussi la « solidité » ou « le bien-être ».
Le shalom signifie donc la sécurité que Dieu donne à nos vies.
Dietrich Bonhoeffer, théologien allemand, martyr de la paix, a écrit que « La paix n’est pas l’absence de conflit, mais la présence de justice. »
Et d'ajouter: « Pour les Hébreux, Shalom, c’est la justice, la santé, la sécurité, la joie, la relation — tout cela ensemble. C’est le royaume de Dieu qui commence ici, maintenant, dans nos maisons, nos rues, nos cœurs. »
Magnifique citation! En quelque sorte, Shalom, c'est le programme général pour notre vie! On pourrait pratiquement monter à bord de cette chaloupe et il y aurait de quoi naviguer sans problème jusqu'à Noël 2026!
Mais je vous propose de monter dans une deuxième barque.
La chaloupe de Jésus
C'est vrai que la vie de Jésus est marquée par la paix.
Déjà les anges autour de la crèche chantent les louanges et apportent un message de paix:
"Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre pour ses bien-aimés !" (Luc 1,14).
Et les prophéties annonçaient le sauveur qui devait venir comme "le Prince de la paix" (Esaïe 9,6).
Par ailleurs, à l'autre extrémité de sa vie ici-bas, après sa mort et sa résurrection, une des premières phrases qu'il dit à ses disciples (et qu'il répète), lorsqu'il leur apparaît pour une des premières fois, c'est: "La paix soit avec vous!" (Jean 20,19 et 21).
En faisant le lien avec la première chaloupe, on comprend que Jésus est vraiment celui qui évoque la solidité, la plénitude, le bien-être.
Même s'il vient nous rejoindre dans la fragilité, la pauvreté et le manque d'hygiène d'une étable, Jésus est celui qui incarne parfaitement la paix, la vraie paix.
Une paix qui l'habitait profondément et ça rejoint la 3e chaloupe…
La chaloupe de notre vie intérieure
Les Evangiles nous présentent un Jésus en paix avec lui-même. C'est un peu sa colonne vertébrale, mais aussi son bassin et les os des jambes. On sent qu'il est stable, bien posé, il tient debout. En d'autres mots, c'est bien ça, il est tout simplement en paix.
Une paix intérieure qui lui permet d'être "vrai" face aux responsables politiques ou religieux de son temps ou dans ses rencontres avec les marginaux de la société.
Aujourd'hui, on dirait sans doute que Jésus était "lui-même" dans chacune des journées de sa vie.
Alors bravo pour Jésus! Son carnet d'élève en fin d'année, c'est 6 sur 6 pour ce qui est de la paix intérieure!
Mais qu'en est-il pour nous? On a tellement de peine à avoir la moyenne! Mais c'est vrai que nous ne sommes pas nés du Saint-Esprit, nous! Alors que faire?
Et bien j'ai une bonne nouvelle! Jésus n'a pas gardé sa recette miracle pour lui, mais il nous l'a partagée.
C'est ce que va nous lire Aline dans l'Evangile de Jean (4,27):
Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix. Je ne vous la donne pas comme le monde la donne. Ne soyez pas inquiets et n’ayez pas peur.
Un message qui est même universel, comme c'est dit dans l'épitre aux Ephésiens (2,17-18):
Le Christ est venu annoncer la bonne nouvelle de la paix, la paix pour vous qui étiez loin et la paix pour ceux qui étaient proches; car par lui, nous avons les uns et les autres accès auprès du Père dans un même Esprit.
Jésus nous promet une paix différente et en plus il est à la base de la recette. En effet, c'est par le Christ et l'Esprit-Saint que nous avons accès au Père. La Trinité réunie pour nous donner cette paix. Magnifique!
Et cette paix est donnée! Pas besoin de "faire quelque chose" et rien "à conquérir"! Ce que nous devons faire c'est juste l'accueillir. C'est recevoir ce don, ce vrai cadeau de Noël.
Car en Dieu, la paix, ce n'est pas une absence de guerre (je me répète), mais c'est une présence. Une présence à accueillir.
Marie a accueilli la vie de Jésus en elle, malgré ses doutes et ses questions.
Et bien nous aussi, nous sommes invités à être des Marie et à accueillir la présence de Jésus dans notre vie intérieure. Avec nos doutes, avec nos questions.
Alors non, c'est vrai, nous ne sommes pas nés du Saint-Esprit! Mais le Saint-Esprit frappe à la porte de notre cœur et si on l'accueille, il pourra y faire naître cette paix intérieure que Dieu nous donne.
Donc ma première prière pour ce soir, c'est que chacune et chacun vous puissiez recevoir cette paix, cette plénitude, ce réconfort dont vous avez besoin. Jésus vous donne sa paix.
La manière dont cette paix est reçue peut alors se traduire par des effets…
… c'est la Chaloupe de nos actions ou de nos réactions
Et là, je souhaite témoigner de l'histoire de ce lieu, le Centre paroissial œcuménique de Meyrin. Il y a tout pile 50 ans, en ce même soir de Noël, ce lieu accueillait sa première célébration œcuménique, avant même l'inauguration des locaux au printemps suivant!
Les communautés catholique et protestante de Meyrin pouvaient enfin se rassembler dans leurs propres locaux. Plus besoin de se retrouver dans le cinéma du centre commercial, comme cela avait été fait précédemment!
En reprenant des expressions actuelles, je disais tout à l'heure que Jésus était "vrai", qu'il était "lui-même", car habité par cette paix.
Et je crois que nos communautés sont aussi appelées à être "vraies", à être qui "elles sont elles-mêmes". Car habitées par cette paix intérieure que Dieu nous donne.
Et ici, les communautés catholique, évangélique et protestante, nous partageons ensemble la même foi, habités par la même paix. Nous ne la vivons pas exactement de la même manière, mais nous pouvons la vivre ensemble.
Pour l'illustrer, je vais utiliser une image, c'est le cas de le dire. Vous connaissez tous ce jeu pour enfants qui consiste à trouver les 7 différences entre 2 images. Et on se concentre sur les différences car c'est le but jeu.
Mais en Eglise, nous sommes invités à faire l'inverse. Le but du jeu n'est pas de nous concentrer sur les différences. Regardons plutôt les 93% qui sont identiques, qui nous unissent, qui nous rapprochent, et non les 7% qui peut-être nous distinguent! C'est peut-être ça, "vivre notre paix".
Nous pouvons alors nous en réjouir, partager des moments ensemble, vivre des célébrations ensemble, comme maintenant.
Ce qui n'empêche pas de parler alors, mais dans un second temps, des 7 différences. Comme nous nous connaissons, que nous vivons en paix avec nous-mêmes et avec les autres communautés, nous pouvons aussi parler de nos différences, et en parler en paix! Cela peut même nous enrichir mutuellement!
Pour reprendre les images du prophète Esaïe, les différents animaux se retrouvent ensemble:
Le loup et l’agneau, la panthère et le cabri.
Attention, je ne vais pas commencer à dire à qui ou à quelle communauté se rapporte chaque animal!
Le veau et le jeune lion, la vache et l’ourse. Toutes ces paires d'animaux qui peuvent partager le même espace… en paix!
Bon, ça ne veut pas dire que nous sommes parfaits! On peut toujours faire mieux. Et à ce sujet, nous n'avons pas de célébrations œcuméniques qui mettent l'accent sur les familles et les enfants. C'est dommage! Voilà une piste non pas pour les 50 prochaines années, mais peut-être simplement pour 2026!
Et vous auditrices et auditeurs, témoins dans d'autres paroisses et communautés, est-ce qu'il n'y aurait pas des pistes de réflexions œcuméniques dans vos villes, dans vos villages? Des lieux de paix à développer?
C'est ma deuxième prière pour ce soir. Il y a sans doute des relations entre communautés, mais essayons de nous concentrer d'abord sur les 93% qui sont rassemblent.
Car nous avons le même Esprit qui nous unit.
Cet Esprit qui donne naissance à Jésus en Marie,
cet Esprit qui donne naissance à Jésus en nous, de manière spirituelle,
cet Esprit qui donne naissance à nos communautés!
Nous prions pour la paix dans le monde et la paix dans nos immeubles, c'est évidemment important. Mais est-ce que ça ne vaut pas la peine de prier aussi pour la paix dans nos Eglises et entre nos Eglises?
Je vais terminer par une dernière chaloupe,…
… la chaloupe du repas
Si important le repas de Noël. Mais je ne vais pas vous parler de dinde, de gratin de cardons ou de bûche.
Mais plutôt du repas de communion que nous allons partager dans un instant.
L'eucharistie ou la sainte cène que nous allons prendre ensemble, regroupe bien des aspects de cette paix que j'ai évoquée.
J'ai insisté pour dire que la paix de Dieu n’est pas une absence (une absence de guerre ou de conflit), mais une présence. Dans son dernier repas, Jésus nous offre justement sa présence.
Et c'est aussi un moment ou chacune et chacun est nourri, un repas qui offre une sorte de plénitude, d'harmonie. Qui nous permet de tenir debout dans notre foi.
Alors ma dernière prière, c'est qu'en cette nuit de Noël, où Dieu nous rejoint, vous puissiez recevoir cette présence, cette paix, quelle que soit votre situation de vie actuelle.
Amen.

