Karabakh: un patrimoine chrétien systématiquement détruit

Le complexe monastique de Dadivank, construit entre le IXe et le XIIIe siècle, se situe dans une région qui a été cédée à l’Azerbaïdjan en 2020, ce qui a fait naître la crainte que les Azerbaïdjanais, à majorité musulmane, le saccagent. / © David Ghahramanyan
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Le complexe monastique de Dadivank, construit entre le IXe et le XIIIe siècle, se situe dans une région qui a été cédée à l’Azerbaïdjan en 2020, ce qui a fait naître la crainte que les Azerbaïdjanais, à majorité musulmane, le saccagent.
© David Ghahramanyan

Karabakh: un patrimoine chrétien systématiquement détruit

Mobilisation
La ville de Berne a accueilli les 27 et 28 mai une conférence internationale sur la sauvegarde du patrimoine arménien menacé par le conflit au Haut-Karabakh.

Organisée par le Conseil œcuménique des Eglises (COE), en collaboration avec l’Eglise évangélique réformée de Suisse (EERS), cette rencontre avait pour objectif de mobiliser la communauté internationale sur la préservation de sites religieux et culturels millénaires menacés de destruction par le conflit. Un rapport récent du Centre européen pour le droit et la justice vient corroborer les craintes exprimées par les réfugiés d’Artsakh, les chercheurs et les autorités religieuses: la région, passée sous contrôle azerbaïdjanais en septembre 2023, fait l’objet d’une campagne systématique de destruction de son patrimoine arménien. 

Près de 6000 vestiges répartis sur 500 sites seraient aujourd’hui menacés. La disparition de la cathédrale de Chouchi, la destruction de la chapelle Saint-Sargis ou encore l’écrasement des khachkars, ces stèles de pierre sculptée emblématiques de l’identité arménienne, témoignent d’un effacement qui va bien au-delà d’une logique de guerre.

Alerter sur l’urgence de la situation

Le COE, engagé depuis longtemps auprès des Eglises arméniennes, voit dans cette conférence un moment crucial pour alerter sur l’urgence de la situation et mobiliser la communauté internationale. Son secrétaire général, Jerry Pillay, dénonce «la destruction des sites religieux en Artsakh comme une atteinte grave aux droits fondamentaux, appelant à une intervention de l’UNESCO et à un engagement durable pour protéger le patrimoine arménien et les droits des populations déplacées». 

L’EERS a participé activement à l’organisation de cet événement. Selon Stephan Jütte, son responsable de la communication, cet engagement s’inscrit dans la continuité d’une action humanitaire et œcuménique de longue date: «L’EERS a toujours été impliquée dans le soutien aux communautés marginalisées et menacées. La conférence est une réponse à l’urgence, mais aussi un moyen de renforcer les réseaux de solidarité et de rendre visible notre engagement pour la paix et la liberté religieuse.»

Actions de sensibilisation

La rencontre a réuni des voix arméniennes de divers horizons, des responsables religieux, des réfugiés d’Artsakh, des experts du droit international et du droit des personnes, des historiens, des personnalités politiques et des représentants d’organisations internationales et non gouvernementales. Des tables rondes sur les mécanismes juridiques internationaux de protection du patrimoine en temps de guerre et des sessions sur les actions concrètes à entreprendre ont enrichi les débats. 

Le COE a annoncé la création d’un mécanisme de suivi et de plaidoyer pour garantir la mise en œuvre des recommandations de la conférence. Un plaidoyer renforcé sera mené auprès de l’ONU, de l’UNESCO et de l’Union européenne. Les Eglises membres du COE sont appelées à relayer ces conclusions par des actions de sensibilisation et de solidarité dans leur pays.

A lire 

Voyage au Karabakh, Aka Mortchiladze (traduction du géorgien par Alexander Bainbridge et Khatouna Kapanadzé), Noir sur blanc, 208 p. 

Premier roman culte de la prose géorgienne contemporaine, Voyage au Karabakh suit Gio, adolescent désabusé, embarqué malgré lui dans le chaos du Haut-Karabakh des années 1990. Entre milices, trahisons et absurdité guerrière, son périple devient un rite de passage noir et sans retour.