
Noël d’ici et d’ailleurs
Prêtre Vasyl PRITS, paroisse ukrainienne de Genève
Noël est-il célébré différemment dans votre pays ?
Oui. Nous célébrons Noël le 7 janvier. Le soir précédent, après la veillée solennelle à l’église, toute la famille se réunit pour un repas spécial : douze plats de Carême sont préparés en l'honneur des douze apôtres. Noël marque en effet la fin du jeûne de la Nativité. Ensuite, les parents restent généralement à la maison, tandis que les enfants vont de maison en maison pour entonner des chants de Noël ; en échange, les gens leur donnent un peu d'argent, des bonbons ou des fruits. Le lendemain matin, nous allons à l'église pour la célébration religieuse et nous essayons de nous confesser.
Vote sapin de Noël ressemble-t-il à celui des Suisses ?
Dans l'ensemble, oui. Les différences résident dans les détails : nous utilisons souvent des décorations faites à la main, des anges en paille et des mini-jouets orné de motifs folkloriques. Les décorations sont une petite fête en soi, à laquelle toute la famille participe. Selon la tradition, le sapin de Noël est décoré et installé avant le réveillon du Nouvel An, et n'est démonté qu’après la fête de l'Épiphanie, vers le 19 janvier.
Quel est la place des Rois mages et de la crèche de Noël dans votre pays ?
Ils sont mentionnés lors des offices festifs et apparaissent également dans nos chants de Noël. De plus, leurs figurines font partie de la crèche ou du vertep, qui revêt une importance exceptionnelle en Ukraine. C’est une coutume qui remonte au moins au XVIIe siècle. Au début, il s'agissait de spectacles de marionnettes ; plus tard, des groupes entiers de chanteurs se sont transformés en troupes théâtrales. Mêlant théâtre, chant et narration religieuse, le vertep raconte l'histoire biblique de la naissance de Jésus, souvent agrémentée de scènes folkloriques et d'éléments humoristiques. Le vertep est l'une des expressions les plus chaleureuses de la culture de Noël des Ukrainiens.
Quid des cadeaux de Noël ?
Historiquement, dans les familles orthodoxes traditionnelles, les cadeaux n'étaient pas offerts le jour de Noël, mais lors de la fête de Saint Nicolas. Le jour de Noël, l'accent était mis sur la prière communautaire et le repas familial. Mais, au fil du temps et sous l'influence des habitudes occidentales, il est devenu de plus en plus courant d’offrir des cadeaux à Noël en Ukraine, en particulier dans les villes.
Quel est pour vous le message le plus important de Noël ?
C’est l'assurance que Dieu demeure toujours avec nous, même dans la souffrance, et que la lumière est plus forte que les ténèbres. Aujourd'hui, dans mon ministère pastoral auprès des réfugiés ukrainiens à Genève, ce message résonne avec une force toute particulière. Les personnes qui ont perdu leur maison ou certains proches découvrent que Noël n'est pas seulement une tradition ou un conte du passé.
Qu’est-ce qui a changé avec la guerre ?
Après le début de la guerre en 2022, Noël a pris un sens beaucoup plus profond. L’appel téléphonique d'un père parti au front, ou le retour d'un fils pendant une courte permission, sont des cadeaux qui n'ont pas de prix. Noël est ainsi devenu l’occasion de prier pour les personnes absentes. J’ai vu des familles se réunir sous les bombardements pour allumer des bougies et chanter « Bog predvichnyi... » (« Dieu éternel... »). L’année passée, des initiatives de soutien ont été organisées dans tout le pays pour les soldats : par exemple, les enfants leur ont écrit des lettres ; des bénévoles leur ont préparé des colis contenant des plats faits maison, des vêtements chauds, des chapelets et de petites icônes. De nombreuses communautés protestantes ont décidé de se réunir la veille ou la nuit de Noël pour des prières interconfessionnelles. Elles sont également très impliquées dans l'aide humanitaire : collecte de fournitures pour le front, soutien aux familles déplacées et coopération avec les hôpitaux. On pourrait dire que les œuvres de miséricorde et d'évangélisation sont devenues une partie essentielle des célébrations de Noël pendant la guerre.

Ekramy Awed, pasteur de la paroisse protestante arabophone de Berne
Noël est-il célébré différemment dans votre pays ?
Quelle est la place des Rois mages et de la crèche de Noël ?
En Égypte, les Rois mages jouent un rôle important. On les trouve dans les crèches qui décorent les églises, et chacun d’eux est associé à un cadeau particulier qui revêt sa propre signification spirituelle.
Quel est pour vous le message le plus important de Noël ?
Noël porte un espoir de paix, de rédemption et d’amour. C’est pourquoi, dans leurs sermons, nos prêtres mettent l’accent sur la signification salvifique de la naissance du Christ. Le choix des mots et des textes bibliques est délibérément fait de manière à transmettre ce message.
Révérend Ilwon Park, paroisse de l’Église protestante coréenne de Genève
À quoi ressemble Noël dans votre pays ?
En Corée, Noël est un phénomène relativement récent, qui n'évoque pas nécessairement de bons souvenirs. Ce sont des missionnaires qui ont introduit cette fête en Corée, vers 1884, dans une période de rivalité impériale entre le Japon et la Russie. Il était d’autant plus difficile pour les Coréens de fêter Noël le 25 décembre qu’ils suivaient le calendrier lunaire, et non le calendrier solaire. La célébration de Noël a commencé à se répandre après 1910, lorsque la Corée a perdu sa souveraineté face au Japon et a été contrainte d'adopter le calendrier occidental. À partir de là, le christianisme s'est développé sur un fond de prières ferventes pour le rétablissement de la nation. Voyant que les mouvements d'indépendance gagnaient en puissance, le Japon a fini par interdire les célébrations de Noël.
Il a fallu attendre que la Corée retrouve son indépendance, en 1945, pour que Noël devienne une fête associée à la liberté nationale. En 1949, Noël a été officiellement déclaré jour férié. Les convertis ont commencé à se réunir la veille de Noël pour entonner des chants et jouer des spectacles de crèches vivantes. La coutume veut les jeunes se rendent le lendemain matin à l’aube chez d’autres membres de leur communauté pour les réveiller avec des chants de Noël ; ensuite, les gens vont à l'Église pour l’office religieux.
Votre sapin de Noël ressemble-t-il au nôtre ?
Non, il n’est pas très différent de celui qu’on voit en Suisse. Cependant, les années 1950, notre sapin de Noël avait une particularité : il était souvent décoré avec du coton, pour imiter la neige. Peut-être était-ce une façon émotionnelle de représenter les hivers rigoureux...
Et les Rois mages ?
Par rapport aux Européens, les Coréens les mettent nettement moins en avant, et quand ils sont représentés, ils n'apparaissent jamais avec des couronnes. En revanche, le Père Noël jouit d’une plus grande popularité. Ce fait est sans doute lié à l’affection parentale pour les enfants, particulièrement marquée dans la culture coréenne. Noël est un jour où les parents, qui se substituent volontiers au père Noël pour accomplir sa « mission sacrée », ne veulent pas décevoir leur progéniture. Les pasteurs encouragent d’ailleurs cet amour parental, en exhortent les fidèles à prendre soin des relations intergénérationnelles.
Ranaivo Razakanirina, secrétaire général de la paroisse de l’Eglise Réformée de Madagascar, Gland
Comment fête-t-on Noël dans votre pays ?
Les chrétiens de Madagascar fêtent Noël le 25 décembre, puisque c’est l’anniversaire de Jésus-Christ. Généralement, les familles participent aux cultes du matin. C’est une période d’affluence dans les églises. Les gens mettent leurs plus beaux habits pour se rendre au culte ; ensuite, ils se retrouvent en famille pour fêter Noël autour d’un bon repas, le meilleur de l’année, avec une dinde ou une oie au menu. La veille de Noël est un moment de rencontre à l’Église, avec un culte, des chants, un spectacle théâtral racontant l’histoire de Noël et des poèmes récités par les enfants.
Quelles autres différences voyez-vous ?
J’ai l’impression que les Suisses fêtent Noël beaucoup plus à la maison que dans les paroisses. Ils voyagent aussi beaucoup. De plus, votre calendrier de l’Avent et votre couronne de l’Avent ne sont pas très connus chez nous, et les biscuits de Noël ne font pas partie de nos traditions. L’ouverture des cadeaux de Noël se fait le 25 décembre au matin. C’est le père Noël qui les a apportés ; il est arrivé dans la nuit et les a déposés dans les paires de chaussures placées sous le sapin de Noël.
Justement, à quoi ressemble votre sapin de Noël ?
Il ne s’agit pas d’un sapin, mais d’un pin. Dans certaines régions de Madagascar, on utilise aussi d’autres arbres ; par exemple, j’ai vu une fois un litchi décoré ! Cela dit, les pins naturels tendent actuellement à être remplacés par des versions synthétiques. En tous les cas, l’arbre est installé dans les maisons au début du mois de décembre et il y reste jusqu’au début du mois de janvier.
Quelle place faites-vous aux Rois mages et à la crèche de Noël ?
L'histoire des Rois mages prend peu de place. Il y a un vague rappel au début du mois de janvier, au moment de l’Épiphanie, avec la galette des rois. Quant à la crèche de Noël, elle est également moins présente que chez vous. En Suisse, découvrir de grandes crèches et des crèches vivantes était quelque chose de nouveau pour moi. À Madagascar, on place simplement sous le sapin de petites figurines en bois représentant la Nativité, en guise de décorations.
Les quatre personnes ont été accueillies pour un séjour en Suisse dans le cadre de l’action de DM – Dynamique dans l’échange, association internationale qui fonctionne comme une plateforme d’échange et de partage pour 36 Églises et ONG chrétiennes dans le monde. https://www.dmr.ch

