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Rolf Schwab, un Noël pour ne pas être seul

Présence
A Bienne, Rolf Schwabet les bénévoles de FraterNoël oeuvrent chaque24 décembre pour offrirchaleur et présence àcelles et ceux que la fêtelaisse seuls.

«Je viens d’une famille biennoise, mais avec un petit accent d’ailleurs», confie Rolf Schwab avec le sourire. Son père était originaire de La Neuveville, sa mère, d’Argovie: un mélange qui, dès l’enfance, lui a donné le goût du bilinguisme et de l’ouverture. «A la maison, on passait naturellement d’une langue à l’autre. C’était normal.» Son enfance, simple, mais marquante, l’a façonné. «Je n’ai pas pu aller au jardin d’enfants, faute de place. 

À l’époque,  seul l’aîné y avait droit. C’est bête, mais ça m’a manqué.» Une petite frustration d’enfant timide, devenue avec le temps un moteur: celui de donner aux autres les chances qu’il n’a pas eues. Après un apprentissage de mécanicien de précision, il partage son temps entre travail, natation et vie de famille, avant de fonder une entreprise avec deux collègues.

L’engagement de Rolf Schwab ne naît pas dans l’Église, mais dans le monde professionnel. «Je me suis toujours battu pour offrir aux jeunes de bonnes places d’apprentissage», raconte-t-il. Cette exigence de justice et de transmission devient le fil rouge de sa vie. Il rejoint ensuite le GAD, une fondation oeuvrant pour l’intégration sociale et professionnelle. «Là, j’ai découvert les gens en difficulté, ceux pour qui la vie bascule.» Fidèle à ses convictions, il s’en va lorsque sa «philosophie» ne correspond plus à la direction prise. 

Il poursuit alors au Centre social protestant(CSP) Berne-Jura de Tramelan, où il contribue à renforcer la présence de l’institution à Bienne. «Quand je suis arrivé, en 2018, c’était tout petit. Le but était de le mettre sur un vrai pied. Et on y est arrivés.» À la retraite depuis trois ans, il demeure un pilier discret, «collaborateurin dépendant», dit-il en riant, toujours disponible«quand il le faut».

Frater Noël, la chaleur du 24 décembre
C’est autant par son engagement au CSP que par son rôle à Frater Noël, le «Noël des personnes seules», que Rolf Schwab s’est fait connaître à Bienne. Depuis 2009, il copréside cette célébration du 24 décembre qui réunit chaque année plusieurs centaines de convives dans la Maison Calvin. «L’an passé, nous étions environ 220. C’est un beau nombre: on a l’espace pour respirer, parler… et même danser.»

Fondé en 1973 à l’initiative de Radio Lausanne, Frater Noël a traversé les décennies. La pandémie a bousculé l’élan: deux éditions annulées et des repas livrés à domicile. «C’était terrible. Certains ne voulaient plus nous laisser partir tant ils étaient seuls. Ça m’a marqué.» Le 50e anniversaire a été l’occasion pour l’organisation de se réinventer: public plus familial incluant toujours les personnes âgées, crèche élargie, attention portée aux parents seuls et aux familles recomposées.

Rien n’est perdu, tout est partagé
A Frater Noël, tout concourt à la convivialité. Dès l’entrée, une musique d’accordéon accueille les invités et installe une atmosphère de fête. On partage d’abord un apéritif sans alcool, une entrée puis un repas chaud, préparé avec soin. Vient ensuite le moment attendu des desserts: celui concocté par l’équipe et celui, tout aussi précieux, offert par les boulangeries biennoises et des environs, glané parmi les invendus. Rien n’est perdu, tout est partagé, jusque dans ce symbole discret de solidarité locale.

En coulisses, une soixantaine de bénévoles s’affairent: le 23, on installe et on mange ensemble pour accueillir les nouveaux. Le 24, on sert, on écoute, on veille. «Quand on voit les gens âgés se lever pour danser, c’est un moment fort. On se dit que toute la préparation en valait la peine.» Le soutien est large: dons privés, Ville de Bienne, paroisse réformée qui met la salle à disposition, CSP qui prête des véhicules. «C’est un chantier solidaire, chacun apporte sa pierre.» 

Signe des temps, la ville bilingue concentre aujourd’hui des écarts de revenus plus visibles qu’hier. Frater Noël s’efforce d’y répondre sans exclure, en faisant place à toutes les trajectoires. «A Bienne, le mélange des langues et des parcours est normal. On vit avec, on construit avec.» Frater Noël, ce n’est pas uniquement un repas, mais une communauté d’un soir où se tissent des liens, où les solitudes s’apprivoisent. 

«C’est Noël, on fête ensemble. Pas à la maison, mais à Frater Noël», résumeRolf Schwab, comme une évidence. Pour lui, cet esprit devrait dépasser la seule fête du 24 décembre: «Aider, s’engager, c’est essentiel.» Conscient du vieillissement du monde associatif, il redoute de voir le fil du bénévolat se rompre. «Il faut que les jeunes reprennent le flambeau pour que la solidarité demeure une force vive.»

Frater Noël
Né en 1973 de l’Action de Noël lancée par Radio Lausanne, Frater Noël s’inscrit dans une vaste initiative romande destinée à offrir chaleur et compagnie aux personnes seules pendant les fêtes. À l’époque, plusieurs Cantons romands participaient à ces rencontres solidaires. 
À Bienne, sous l’impulsion de Daniel Péclard et de jeunes bénévoles, l’idée s’est enracinée durablement. Alors que les célébrations ont peu à peu cessé partout, Bienne est désormais la seule ville à perpétuer la tradition. 

Aujourd’hui encore, Frater Noël rassemble chaque 24 décembre (dès 18h à la Maison Calvin, rue de Mâche 154) les gens autour d’un repas gratuit, de musique et d’animations. Cette année, la fête sera animée par les musiciens Eric Manata et Nicole Thomet.

Bio express
1957 Naissance à Bienne.
1978 CFC de mécanicien de précision.
1981-2002 Indépendant dans le domaine du contrôle de qualité.
1985 Mariage avec Nicole Jost puis naissance, en 1989, des jumelles Camille et Soline
Depuis 2000 Frater Noël.
2002-2018 Fondation GAD (social et intégration)
Depuis 2004 Paroisse réformée de Bienne.