La prière du Notre Père est une reprise et une appropriation par Jésus d'une
prière qui existait dans la tradition juive. Certaines traductions nous font
pencher du côté d'une compréhension purement symbolique ou spirituelle. En fait,
les termes sont très concrets. Lorsqu'il est question du pardon des offenses, le
texte original dit "Remets-nous nos dettes, comme nous remettons celles de nos
débiteurs!" Et cela fait allusion aux lois du sabbat qui prévoyaient par exemple
que tous les 50 ans les dettes devaient être remises. Une loi, si elle avait été
appliquée, aurais permis que les pauvres ne deviennent pas toujours plus pauvres
et les riches toujours plus riches.
En ce qui concerne le pain, reconnaître que ce pain que nous avons acheté au
boulanger, avec de l'argent que nous avons gagné par notre travail, est en fin
de compte un don de Dieu, c'est se situer dans une relation particulière aux
choses que nous acquérons. Prise au sérieux, cette prière signifie que je n'ai pas
à l'accaparer. Dans la mesure où je suis conscient de mon privilège et que j'en
attribue la vraie raison à Dieu, cela m'ouvre au partage et à la solidarité
avec celles et ceux qui sont endettés à un tel point qu'ils ne disposent plus
du nécessaire.
Ainsi reprise, cette prière nous permet aussi de comprendre qu'il y a un lien
indissociable entre le matériel et le spirituel. Une vision et une compréhension
que nous avons souvent perdues dans notre monde occidental.